Le Salon automobile de Shanghai 2025, une vitrine de la suprématie industrielle chinoise

Salon de l’industrie automobile en Chine

À Shanghai s’ouvre le plus grand salon automobile mondial, où constructeurs chinois et étrangers s’affrontent dans un marché en pleine mutation. Entre innovations électriques, rivalités commerciales et stratégies industrielles, la Chine affirme une suprématie de plus en plus marquée. L’automobile du futur s’expose pour l’occasion : écrans géants, sièges massants et taxis volants électriques rivalisent d’innovations, notamment afin de séduire un marché chinois de plus en plus exigeant.

Le Salon automobile de Shanghai, qui se déroule du 23 avril au 2 mai 2025, s’impose comme le rendez-vous incontournable de l’industrie automobile mondiale. Aujourd’hui, cet événement majeur illustre en outre la nouvelle domination de la Chine sur un secteur en pleine transformation, alors que les salons historiques de Paris ou Detroit tentent de se réinventer.

En l’espace de vingt ans, la Chine est devenue le premier marché automobile mondial, grâce à une stratégie centrée sur les véhicules électriques et hybrides rechargeables. Ces types de motorisation, considérés comme stratégiques par les autorités chinoises, représentent respectivement 26 % et 19 % des ventes dans le pays en 2024, selon les données du cabinet Inovev.

L’industrie automobile chinoise a connu un développement fulgurant, avec des usines implantées dans toutes les régions. Les grands groupes nationaux comme SAIC (propriétaire de la marque MG), BYD ou Geely (qui détient notamment Volvo et Zeekr) pratiquent une politique de prix agressive sur un marché caractérisé par une clientèle jeune et réceptive aux innovations. Plus d’une centaine de marques participent désormais à cette compétition féroce, incluant des entreprises émergentes comme Li Auto, Xpeng, ou encore des géants de l’électronique tels que Xiaomi qui se diversifient dans l’automobile.

Selon Guillaume Crunelle, analyste chez Deloitte, la Chine représente « le seul pays qui arrive à faire cohabiter des géants industriels de l’automobile et de l’innovation avec une multitude d’entreprises émergentes, alliant excellence opérationnelle, volume de production, innovation et audace ».

Les constructeurs chinois profitent du salon pour exposer leur réelle avance technologique, à travers une multitude de modèles électriques hautement connectés - SUV, berlines ou monospaces luxueux - conçus et fabriqués dans des délais records. La présence de ces acteurs à l’événement d’avril-mai 2025 est cruciale pour leur avenir, alors que de nombreuses entreprises ont déjà fait faillite et que le gouvernement chinois encourage largement ses champions à fusionner pour créer des leaders mondiaux.

L’Américain Tesla, le grand absent

Cette rationalisation du secteur, supervisée par l’État chinois, s’accompagne d’une stratégie d’exportation massive vers les marchés accessibles, notamment en Asie du Sud-Est, en Europe et en Amérique latine.

Fait notable, le constructeur Tesla sera absent du salon malgré ses deux immenses usines situées à proximité de la plus grande ville de Chine. Le constructeur américain n’a plus participé à un salon chinois depuis le rendez-vous de Shanghai 2021, marqué par une protestation contre sa marque, devenue virale à l’époque. Mais cette absence s’inscrit surtout dans le contexte de tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, marquées par l’imposition de droits de douane réciproques. D’autres constructeurs américains comme General Motors et Ford seront néanmoins présents pour promouvoir leurs marques haut de gamme Cadillac, Buick et Lincoln, principalement produites et vendues localement.

Vitrine des innovations technologiques chinoises et mondiales

Le salon de Shanghai révèle aussi une métamorphose profonde du secteur depuis ces dernières années. Les constructeurs délaissent à l’évidence la question de la motorisation, pour se concentrer sur d’autres plans de la conception - les aspects technologiques et le confort des habitacles - reflétant l’évolution des attentes des consommateurs.

L’omniprésence des écrans constitue ainsi la tendance dominante de cette édition. Des dispositifs de 15 à 65 pouces équipent désormais toutes les parties des véhicules : tableau de bord, portières, pare-soleil et même capot. Les constructeurs chinois, engagés dans une concurrence acharnée, visent une clientèle particulièrement connectée. Les géants de l’électronique comme Huawei et Xiaomi rencontrent un succès notable en proposant une intégration fluide entre leurs téléphones et leurs véhicules.

Les constructeurs européens s’adaptent également à cette tendance. Volkswagen, avec sa nouvelle marque chinoise AUDI, présente un modèle dont l’écran occupe l’intégralité du tableau de bord. Ces interfaces permettent à l’arrêt de visionner des vidéos ou de chanter comme dans un karaoké, tandis qu’en conduite, des systèmes d’assistance avancés prennent en charge la quasi-intégralité du trajet.

Le confort intérieur représente un autre critère déterminant pour la clientèle chinoise. Les monospaces luxueux aux sièges arrière inclinables attirent de nombreux visiteurs. Mercedes a notamment choisi ce salon pour dévoiler son prototype « Vision V », un monospace électrique de luxe doté de sièges tubulaires en aluminium, d’éléments décoratifs en bois et en soie, ainsi que d’un écran cinématographique escamotable.

Les équipements comme les réfrigérateurs, les téléviseurs et les sièges inclinables sont particulièrement prisés, tout comme les suspensions pilotées et les roues arrière directrices. L’équipementier français Forvia présente pour sa part un siège massant inspiré des techniques traditionnelles chinoises et thaïlandaises, et offrant une puissance trois à quatre fois supérieure aux modèles standards.

Plusieurs prototypes de taxis électriques volants à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL) sont également exposés. Le fabricant de batteries CATL, leader mondial du secteur, présente son concept après avoir investi massivement dans la startup AutoFlight. Même Hongqi, constructeur des limousines présidentielles chinoises, dévoile un concept de « voiture volante » pour deux passagers, annonçant une autonomie de 200 kilomètres.

Vitrine de l’innovation mondiale, cette exposition témoigne donc aussi de l’ambition chinoise de démontrer son avance technologique, comme dans le domaine des eVTOL. Dans ce secteur, l’empire du Milieu se trouve en compétition directe avec les entreprises américaines, tandis que les acteurs européens peinent encore à suivre le rythme.

Plus généralement et sur l’ensemble du secteur automobile, les constructeurs allemands, autrefois dominants sur le marché chinois, font face à un réel défi pour réinventer leur place à l’exportation. Volkswagen, BMW et Mercedes ont vu leurs parts de marché s’effondrer avec la montée en puissance des marques locales. Pour rebondir, le groupe Volkswagen présentera trois véhicules spécifiquement développés pour le marché chinois, ainsi qu’un système avancé de conduite autonome.

Face à « une guerre des prix extrême », Ralf Brandstätter, directeur de Volkswagen en Chine, a indiqué que la marque cherchait à privilégier la rentabilité, « au détriment des ventes et des parts de marché ». Il estime toutefois que les constructeurs étrangers pourraient bénéficier du ralentissement économique chinois, Pékin misant « à nouveau davantage sur les investissements étrangers ».

Selon l’expert Stefan Bratzel, les constructeurs allemands devront démontrer leur capacité d’innovation à Shanghai pour maintenir leurs positions actuelles, sans espoir toutefois de retrouver leur domination passée. Malgré ces difficultés, le marché chinois reste incontournable pour les constructeurs allemands, d’autant plus que l’augmentation des droits de douane aux États-Unis compromet leur capacité à compenser ailleurs leurs pertes en Chine.

Urbanitas.fr

Entités liées

Aide à la conduite, AutoFlight, BYD, CATL, confort automobile, constructeurs automobiles chinois, eVTOL (taxi volant électrique à décollage et atterrissage vertical), Forvia, Geely, guerre commerciale sino-américaine, Hongqi, Huawei, interfaces numériques automobiles, marché automobile chinois, Mercedes, mobilité électrique, SAIC, Salon de l’automobile de Shanghai, stratégie industrielle chinoise, Tesla, Volkswagen, véhicules électriques, Xiaomi