Le 17 décembre 2024, par Urbanitas.fr. Temps de lecture : deux minutes.


La Cinémathèque française annule la projection du « Dernier Tango à Paris » (1972) suite à une polémique

Cinéma en France

La Cinémathèque française, à Paris, vient d’annuler la projection du film Le Dernier Tango à Paris prévue ce dimanche 15 décembre, et programmée dans le cadre d’une rétrospective sur l’acteur américain Marlon Brando (1924-2004). Cette annulation fait suite à une vive polémique concernant une scène de viol (simulée par les acteurs) tournée sans le consentement de l’actrice Maria Schneider (1952-2011) dans ce film réalisé en 1972 par l’Italien Bernardo Bertolucci (1941-2018). La décision de la Cinémathèque intervient après des protestations de personnalités du cinéma et d’associations féministes, qui dénoncent l’absence de médiation autour du film. La Cinémathèque, qui avait prévu vendredi une session d’échange en amont de la projection, a finalement annoncé le lendemain l’annulation de la séance, mettant en avant les risques sécuritaires pour le personnel et les spectateurs.

Affiche française du film Le Dernier Tango à Paris (1972)
Affiche française du film Le Dernier Tango à Paris (1972) © Urbanitas, 2024

« Dans un souci d’apaisement des esprits et devant les risques sécuritaires encourus, la Cinémathèque française annule la projection prévue ce dimanche, à 20 heures, écrit l’établissement culturel dans un communiqué, publié le samedi 14 décembre. La sécurité de nos publics et de nos personnels passant avant toute autre considération. »

La controverse porte notamment sur les conditions de tournage de la scène impliquant Maria Schneider et Marlon Brando, que l’actrice avait elle-même décrites comme traumatisantes.

L’actrice Maria Schneider est âgée de 19 ans lorsque le metteur en scène italien Bernardo Bertolucci lui impose une scène de sodomie (simulée) avec l’acteur Marlon Brando, qui a alors 48 ans. « Même si ce que faisait Marlon n’était pas réel, je pleurais de vraies larmes. Je me suis sentie humiliée et, pour être honnête, un peu violée, à la fois par Marlon et par Bertolucci », avait déclaré l’actrice en 2007, se confiant au journal britannique Daily Mail au sujet de cette scène devenue célèbre, durant laquelle Marlon Brando utilise du beurre comme lubrifiant.

Au cours d’un entretien avec Mireille Dumas dans son émission « Vie privée vie publique » en 2006, Maria Schneider revenait également en ces termes sur les circonstances du tournage : « Brando lui-même s’est senti manipulé par Bertolucci, mais il avait 48 ans, et les épaules qu’il avait, tandis que moi, j’ai eu 20 ans pendant le film. Brando d’ailleurs a détesté le film ; à sa sortie nous nous sommes rapprochés, et il m’a soutenu. C’est plus au réalisateur que j’en ai voulu, c’est lui le manipulateur. »

La perpétuation d’une « culture du viol »

Plusieurs collectifs féministes ont dénoncé la projection comme perpétuant une « culture du viol ». La polémique avait largement enflé sur les réseaux sociaux, portant sur « l’absence d’accompagnement pédagogique » par la Cinémathèque, en dehors d’une présentation en début de séance assurée par Jean-François Rauger, directeur de l’établissement. Les débats portaient sur le traitement des violences sexuelles dans le cinéma, dans un contexte sensible marqué par le mouvement #MeToo et le procès en cours contre le réalisateur Christophe Ruggia pour agressions sexuelles.

Autre calendrier important, une commission parlementaire auditionne en ce moment les professionnels du cinéma à l’Assemblée nationale, sur le thème des violences sexuelles et sexistes. Sandrine Rousseau, sa présidente, avait convoqué vendredi les responsables de la programmation au sein de la Cinémathèque française, évoquant un « choix de projection délirant ». Les représentants de l’organisme (Costa-Gavras, Olivier Assayas et Laurence Braunberger) pourraient être entendus prochainement au Palais-Bourbon.

Dans une perspective plus générale, cet événement et la polémique qu’il a occasionnée interrogent le destin des classiques aujourd’hui : comment concilier le répertoire des grandes œuvres du passé avec les exigences éthiques actuelles, et les requêtes légitimes face aux violences faites aux femmes ? Médiations et débats paraissent plus que jamais au centre des enjeux de diffusion et de transmissions de l’art et de la culture auprès d’un large public.


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Maria Schneider

Maria Schneider naît à Paris en 1952 ; elle est la fille naturelle de l’acteur Daniel Gélin. Elle débute dans le cinéma sous la figure protectrice de Brigitte Bardot, au sein de films des réalisateurs Terence Young, Roger Kahane, Roger Vadim, Jean-Pierre Blanc et Jean-Michel Barjol

En 1971, elle est retenue par Bernardo Bertolucci pour interpréter aux côtés de Marlon Brando le rôle principal du film Le Dernier Tango à Paris. La sortie du film en 1972 la propulse brutalement sous les projecteurs, en lien avec le scandale suscité par le film, qui met en scène un personnage de jeune femme libérée se prêtant aux caprices sexuels de son compagnon.

Trois ans plus tard, en 1975, elle est à l’affiche dans Profession : reporter de Michelangelo Antonioni, aux côtés de l’acteur Jack Nicholson. Suivent La Baby-sitter (René Clément, 1975), Violanta (Daniel Schmid, 1977), Voyage au jardin des morts (Philippe Garrel, 1978), puis La Dérobade de Daniel Duval en 1979, film qui lui vaut un césar du second rôle. Ce sont ensuite les films Just a Gigolo de David Hemmings (1979, aux côtés de David Bowie) et Weisse Reise de Werner Schroeter (1980), puis Merry-Go-Round (1983) dans lequel Jacques Rivette la place en tête d’affiche.

La carrière de Maria Schneider est altérée et parfois interrompue par la consommation de drogue et des phases de dépression. Après son film de 1983, elle apparaît surtout dans des rôles secondaires (Au pays des Juliets, de Mehdi Charef, et Les Nuits fauves, par Cyril Collard, 1992 ; Jane Eyre de Franco Zeffirelli, 1996 ; Les Acteurs de Bertrand Blier, 2000).

L’actrice Maria Schneider meurt d’un cancer en février 2011.

Aller plus loin

Ressource : « Maria » : portrait de Maria Schneider en actrice brisée (lemonde.fr)

Ressource : Biographie de MARIA SCHNEIDER (1952-2011) - Encyclopædia Universalis (universalis.fr)

Ressource : Entretien avec Jessica Palud, réalisatrice de Maria : "La Cinémathèque française continue de taire la vie de Maria Schneider" - POLITIS (politis.fr)

Ressource : Maria Schneider : la douleur du "Dernier Tango à Paris" chez Mireille Dumas - INA Mireille Dumas - YouTube (youtube.com)


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