Le 5 avril 2025, par Urbanitas.fr. Temps de lecture : quatre minutes.


La crise des œufs aux États-Unis : quand un aliment de base devient un produit de luxe

Prix d’aliments de première nécessité et épidémie aviaire

L’épidémie de virus aviaire H5N1 aux États-Unis a décimé plus de 30 millions de poules pondeuses depuis janvier 2025, provoquant une hausse spectaculaire du prix des œufs. Cette crise pousse les consommateurs et les professionnels à développer des alternatives face à cet aliment devenu subitement inabordable pour de nombreux ménages. Le phénomène illustre l’interpénétration entre sécurité alimentaire et épidémies.

Jakub Kapusnak / Unsplash
Jakub Kapusnak / Unsplash © Urbanitas, 2025

L’œuf, aliment de base dans les cuisines, est devenu un produit de luxe aux États-Unis. Cette situation sans précédent résulte principalement de l’épidémie de virus influenza aviaire H5N1 (appelée plus proprement grippe aviaire lorsqu’elle touche l’être humain), laquelle a décimé plus de 30 millions de poules pondeuses depuis le début de l’année 2025, entraînant une flambée des prix qui atteint des niveaux historiques.

Dans la mégalopole new-yorkaise, une boîte de douze œufs se vend désormais à 8,47 dollars en moyenne, avec des pics dépassant les 15 dollars dans certains quartiers. Selon l’indice officiel du prix des œufs (US Consumer Price Index, CPI), les tarifs ont augmenté de 12,5 % sur un mois et de 58,8 % sur un an à fin février.

Cette situation pousse les New-Yorkais les plus modestes à développer des stratégies d’adaptation. Crismerly Osorio Anderson, une jeune femme de 24 ans sans emploi, témoigne auprès de l’Agence France Presse : « C’est moins cher de les acheter comme ça [un par un]. La boîte de douze est trop chère ». Elle a opté pour l’achat de trois œufs à l’unité, une pratique qui se répand dans les « bodegas », ces commerces typiquement new-yorkais.

Face à cette demande, certains commerçants ont dû s’adapter. Radhames Rodriguez, propriétaire de Pamela’s Green Deli et président de l’association United Bodegas of America, a commencé à vendre des œufs à l’unité quand ses clients lui ont signifié qu’ils ne pouvaient plus se permettre d’acheter des boîtes entières. « C’est un produit dont tout le monde a besoin pour nourrir sa famille. En particulier dans ce quartier pauvre », explique-t-il.

Des solutions bien connues des personnes véganes

Le phénomène dépasse largement les frontières de New York. À Washington, Annie Clemmons, pâtissière de 51 ans qui a lancé sa petite entreprise de livraison pendant la pandémie de Covid-19, doit désormais repenser ses recettes. « Je dois vraiment y réfléchir à deux fois avant d’utiliser un œuf », confie-t-elle. Elle calcule qu’un œuf lui coûtait environ 8 centimes il y a deux ans, contre 45 centimes aujourd’hui.

Pour continuer son activité, cette cheffe s’est tournée vers des alternatives. Pour une pavlova aux fruits rouges, elle remplace les blancs d’œufs par de l’aquafaba, l’eau de cuisson des pois chiches, une solution bien connue des personnes véganes. Pour ses crèmes pâtissières, l’amidon de maïs se substitue au jaune d’œuf comme épaississant, avec l’ajout d’épices pour rehausser la saveur.

Cette crise semble s’installer dans la durée, malgré les annonces optimistes de la Maison Blanche qui a évoqué récemment un recul des prix de gros des œufs standards « pour la troisième semaine d’affilée ». Le ministère de l’Agriculture américain attribue cette légère baisse à une demande au ralenti face aux prix élevés et à un répit temporaire dans la propagation de la grippe aviaire. Toutefois, ces baisses ne se sont pas encore répercutées dans les commerces.

Les causes structurelles de cette crise préoccupent les experts. Le centre d’étude de l’alimentation de New York du Hunter College souligne que le « pic historique » des prix s’explique non seulement par l’épidémie, mais aussi par le fait que la chaîne de production américaine repose en grande partie sur « un seul producteur » à grande échelle.

Face à cette situation, le gouvernement américain affirme être en pourparlers avec plusieurs pays pour importer des œufs, tandis que l’opposition démocrate réclame une enquête parlementaire.

Une épidémie aviaire qui a pris de l’ampleur en 2024

Avec au mois de mars 2025 un décompte de 70 humains touchés et de plus de 900 élevages laitiers infectés, l’épidémie aviaire qui se propage outre-Atlantique ne se limite plus aux oiseaux. L’épidémie actuelle a été repéré pour la première fois aux États-Unis en février 2024, le virus étant présent chez des animaux domestiques et des chèvres. À ce jour, ce sont quelque 30 millions de poules pondeuses qui sont morts ou ont été abattus à cause de l’épidémie depuis de début d’année 2025. Mi février, cela concernait 148 millions de volailles, dont plusieurs centaines de milliers de canards.

Alors que 66 cas de grippe aviaire avaient été détectés en 2024, des inquiétudes ont commencé à émerger concernant la gestion de la menace lors de la transition vers l’administration Trump. L’administration du président Joe Biden avait annoncé, le 3 janvier 2025, un financement de 306 millions de dollars (environ 297 millions d’euros) pour renforcer la réponse nationale à cette maladie.

Ce financement soutiendra les programmes de préparation et de surveillance à tous les niveaux - national, étatique et local - ainsi que la recherche médicale contre le virus H5N1. Xavier Becerra, ministre de la santé américain, avait alors souligné que bien que le risque pour l’homme restât faible, les autorités se préparaient à tous les scénarios possibles.

L’administration Biden avait fait l’objet de critiques pour sa gestion jugée insuffisante de la crise. Un rapport du Centre d’études stratégiques et internationales publié en décembre 2024 pointait notamment une surveillance incomplète et une coordination lente des autorités.

Un autre sujet d’inquiétude concernait une possible mutation du virus. Selon les autorités sanitaires américaines, le virus aurait muté dans l’organisme d’un patient pour s’adapter aux voies respiratoires humaines. Les experts surveillent également l’augmentation des cas chez les félins, qui pourraient exposer leurs propriétaires à un risque accru.

La grippe aviaire A (H5N1) est apparue pour la première fois en 1996, mais depuis 2020, le nombre de foyers chez les oiseaux a considérablement augmenté, touchant également un nombre croissant d’espèces de mammifères.


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Entités liées

Virus influenza aviaire H5N1, grippe aviaire, inflation alimentaire, New York, Washington, substituts alimentaires, chaîne d’approvisionnement, prix à la consommation, Donald Trump, sécurité alimentaire, pauvreté urbaine.


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